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19 novembre 2006

LIVRE : L'Amérique de Franz Kafka - 1912

Sans_titreCurieux bouquin que ce bouquin, premier roman de Kafka, inachevé et morcelé comme jamais. On y croise le meilleur comme le pire, et il est indéniable que si le gars avait pu y retravailler, il aurait sûrement élagué certains passages ou certaines tournures un peu lourdes, et développé d'autres scènes, assez belles et profondes. L'Amérique est un roman d'initiation à la Dickens, mais un Dickens qui aurait potassé son Lewis Carroll et son Dante avant de s'atteler à la tache. L'itinéraire américain du jeune héros, bien dessiné, passe par les affres du monde moderne, grand sujet kafkaïen ici brossé un poil trop rapidement : l'absence de fraternité, l'injustice, l'illogisme de la bureaucratie et de la hiérarchie, les rouages indémêlables de la société, la vanité... De nombreux épisodes font mouche, grâce à des personnages parfaits (une cantatrice aussi obèse que capricieuse, deux larrons odieux, un millionnaire jaloux...), et grâce surtout à cette précision dans les mots et dans les faits qui a fait la gloire de l'auteur. On a parfois l'impression de se trouver au milieu d'un flot de mots, et d'être justement happé dans ce monde étrange par la seule force de ce nombre, de ce magma. Kafka prend son temps pour décrire, pour faire exister son univers, et touche très juste quand il s'agit de parler en creux de la folie du quotidien. Le long passage décrivant une nuit dans une villa peuplée de gens "étrangement normaux", notamment, annonce le meilleur du chef d'oeuvre futur (Le Château). Le dernier chapitre ouvre subitement sur toute une lecture qui avait échappé : le héros se retrouve engagé dans un immense théâtre, qui "accueille tout le monde" (le rêve américain) et est reçu par une armée d'angelots de pacotille avant d'être balancé dans un train en partance pour on ne sait où. La mort, l'annihilation dans la masse, ou au contraire l'espoir d'un monde meilleur ? Kafka n'a pas eu le temps de conclure, et laisse son livre béant à une des extrémités. La préface du livre annonce en tout cas le seul roman optimiste de Kafka... J'avoue que j'ai quelques doutes, et que l'Amérique qu'il y décrit pourrait bien être un avant-goût de l'enfer, où rien de ce qui est humain n'a sa place. Miller n'aurait pas renié.

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