Soeurs de Sang (Sisters) de Brian de Palma - 1973
Dieu sait que je suis un grand fan de De Palma. Je serais prêt à mordre qui que ce soit qui viendrait me piquer Blow Out, Carlito's Way, Snake Eyes, Mission Impossible ou Raising Cain. Je suis même le seul gars au monde à aimer Mission to Mars, c'est dire. De Palma est un maître de la forme, un de ces pionniers qui ont inventé le cinéma, et je dis ça sans une once de rictus. N'en déplaise à mon alter-ego qui juge bon de flinguer le Maître au hasard de ses chroniques, mais qui, dans le fond, je le sais, admire également ses films. Voilà qui est dit.
Cela étant, je suis toujours un peu embêté avec les De Palma des années 70. Ce sont de grands moments de virtuosité, avec des sommets (Carrie) et des foirages (Furie). Mais je les trouve un peu trop formels justement, et surtout trop assujettis à Hitch. De Palma se cherche dans ces années-là, un peu prétentieusement, un peu maladroitement aussi. Malheureusement, Sisters fait partie de ces tentatives décevantes. L'ombre d'Hitchcock n'est plus seulement une ombre, elle est un oreiller sous lequel De Palma étouffe lentement, malgré ses ruades (je suis lyrique ce soir). Tout est trop dans le sillage du maître : la musique de Bernard Herrmann (très chouette, mais comme un calque de ses grandes compositions pour Hitch, extrêmement pompière et chargée), le plaisir du suspense pour le suspense, le thème du double... Même la longue scène de nettoyage du meurtre, pompée sur Psycho comme c'est pas permis.
Alors De Palma se débat bien un peu. A ces calques, il adjoint sa propre virtuosité, qui est immense, on le sait. Ca donne 45 premières minutes de bonheur formel, avec une utilisation du split-screen étonnante (et moi qui m'ébahissait sur cette idée de champ/contre-champ dans le même plan pour le Munich de Spielberg...), un montage incroyablement accrobatique où les personnages ne savent plus dans quel plan ils crèchent, une façon de faire monter le suspense avec presque rien (un couteau qui traîne, un ralentissement de geste, un regard un peu trop trouble...). La fin également est très marrante, un délire psychédélique qui rappelle les expérimentations du gars sur Dionysus in '69. Mais tout ça reste une simple patisserie un peu trop lourde, à cause d'un scénario franchement pas tenu du tout, et un désintérêt pour ses personnages qui fait qu'on regarde ça comme on regarderait un feu d'artifice. Bien dommage, certes, mais je pense qu'il fallait que De Palma en passe par là pour nous servir ses chefs-d'oeuvre futurs : il y a les premières fondaisons formelles, reste à trouver l'intelligence d'écriture. Ca viendra, les enfants : dans, quoi, 15 ans, il nous pondra Casualties of war, où fond et forme seront enfin à l'unisson. On ne devient pas génie en 3 minutes. (Gols - 28/04/06)
Il est clair que sans être un spécialiste du Hitch, le Brian multiplie les références au maître (je rajouterais (cf chronique du Bibice) à la musique d'Herrmann, au thème du double et au transfert de personnalité, les gros plans sur le téléphone ou les intérieurs d'apparts vus aux jumelles, et au bout d'un moment on se demande comment il va finir par s'en démarquer. Heureusement, il y le truc palmaïesque par excellence: LE SPLIT SCREEN. Si l'appel au secours de la victime (photo ci-contre) est en effet assez réussi, le montage en parallèle de la police qui tarde à venir pendant qu'on nettoie l'appart est beaucoup plus poussif et finit par lasser. Il y a aussi ce besoin de montrer une scène sous plusieurs angles différents qui sera la clé de voute de Snake eyes - ici on voit pas vraiment où il veut en venir. La séance d'hypnose face caméra (on retrouve ce genre de scène un peu bizarre dans Le Dahlia noir lorsque le héros fait la connaissance de la famille... qui essaie de cacher la vérité?...) est un poil oppressive et la séquence mi-réelle mi-onirique en noir et blanc qui s'en suit dans cette maison de fou est aussi plutôt pas mal, dans les profondeurs de champ. Il est vrai sinon que passée la première heure, De Palma se lasse un peu lui-même de son histoire et cette fin en queue de poisson (de l'humour anglais, isn't it...) montre à quel point l'aspect formel l'intéresse plus au final que son intrigue. Je serais moins dythirambique que my partner (eheh) sur De Palma en général, Le Dahlia Noir - oui j'y arrive (et je parle même pas du précédent, Femme Fatale, un ratage totale à mes yeux) confirmant certes son talent à filmer et à chercher l'effet choc -du suspens et de la surprise de diou- mais aussi ses lacunes à s'attacher réellement à ses personnages et à son histoire. (Shang - 02/11/06)