Vol 93 (United 93) (2006) de Paul Greengrass
Tout d'abord, je voudrais pousser un coup de gueule qui, j'en suis sûr, aura des retombées révolutionnaires sur l'industrie du cinéma. J'ai vu United 93 en VF, j'ai eu tort me direz-vous, mais je suis en Lozère aussi, mettez-vous à ma place (et donnez-moi la vôtre). Bon. Bien sûr, le doublage est catastrophique, comme toujours, de ce côté-là rien à dire. Ce qui m'a foutu en rogne, c'est que seuls les américains sont doublés ; les arabes, eux, sont sous-titrés, voire non-traduits. C'est moi qui fais du mauvais esprit, ou c'est grave ? Les responsables du film pensent réellement qu'il y a deux camps distincts : les gentils (américains, européens, bref, blancs) qui parlent tous une langue compréhensible, et les méchants (arabes, bref pas blancs-blancs) qu'on ne comprend pas. Si vous faites du doublage, doublez tout le monde, toutes les langues ! Si le cinéma de gauche devient aussi raciste et manichéen, alors je dis merde. mais je le dis fort. Ce truc m'a gâché le film.
Bon, la colère passée, je dois dire que le film est très fort. Sous influence définitive de 24 (qui, finalement, a peut-être inventé une nouvelle forme de récit), Greengrass filme minute par minute les évènements du 11 septembre à travers 3 lieux : un QG militaire, la tour de contrôle, et le fameux avion qui s'est crashé dans la campagne suite à une insurrection de ses passagers contre les terroristes. La réalisation, musclée, tendue, nerveuse, ne nous épargne rien des détails (souvent ravageurs) de la journée, des dialogues, des évènements ou non-évènements qui ont fait le drame. Beaucoup des personnages (ceux au sol, il n'y a pas eu de survivants) sont joués par les vrais protagonistes de l'époque. C'est absolument glaçant, d'autant qu'on connaît l'issue de l'histoire. Il y a alors un poids insupportable qui vous tombe sur les épaules, le destin tout simplement. Sans aucun jugement, presque sans aucun jeu, Greengrass filme au plus près, ne chargeant aucun des personnages d'une biographie à la con (on est loin de Lost) : ce sont des anonymes qui vont mourir, c'est tout. La fin du film laisse franchement pétrifié. On apprend peu de choses finalement, à un ou deux détails près; mais ce filmage pudique et documentaire de l'intérieur d'une tragédie est parfaitement réussi, au niveau de l'émotion autant que de la réflexion. Comme les gars de l'époque, on se sent dépassé par l'évènement, et vraiment impliqué dans l'action. Une expérience éprouvante donc.
Même si Greengrass s'efface devant le poids de son sujet, il y a quelques idées de montage très réussies, comme ces plans où l'on voit en parallèle les passagers réciter un Notre Père pour être sauvés et les terroristes dans le cockpit réciter une prière musulmane pour accomplir leur mission. C'est simple et fort, et subversif juste ce qu'il faut.
Alors on peut reprocher à Greengrass une mise en scène qu'il veut trop muscler, avec une caméra tremblante y compris dans les moments "creux" : même un dialogue dans la tour de contrôle devient décadré, épileptique, tremblé. Certains zooms ou travellings sont trop ostensiblement travaillés, dans le but de donner l'impression d'être pris sur le vif, comme si le cameraman démarrait sa caméra trop tôt. Mais le fait est que c'est efficace à mort. Ce film est de toute façon presque incriticable vu le poids de son sujet. On en ressort sonné. (Gols - 29/08/06)
Je dois avouer que je ne suis pas autant emballé que mon comparse; je m'étais déjà fait par erreur (maudite jaquette chinoise, mais bon cela permet de comparer...) Flight 93, le téléfilm de la Fox sur le même sujet et si Greengrass a soin, lui, de nous épargner des images de l'écrasement de l'avion, du trou qu'il fait, il y a dans ce projet qui se veut et qui à l'air d'être un compte rendu honnête des faits (il nous fait grâce également des réactions des familles des passagers au sol) une "exploitation du spectaculaire" (achetez-lui un pied de caméra par pitié) qui n'apporte finalement rien de nouveau... On voit bien les moments de stupéfactions dans la tour de contrôle - visages coits bouches bées, les instants de panique dans les différents QG grâce à une caméra virevoltante et l'inefficacité de l'armée (Jack Bauer, il t'aurait crevé les pneus des quatre avions avant le décollage, cela aurait vite vu...) et alors??? Je condamne tout autant ma curiosité malsaine, remarquez-le bien, et regrette d'autant d'avoir voulu voir ce film - bon, il y a sûrement des leçons à prendre au niveau du montage mais sinon... (Shang - 12/09/06)