Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) de Vincente Minnelli - 1952
Je veux pas jouer au vieux con réactionnaire, mais je pose la question : qui, aujourd'hui, sait raconter une histoire comme savaient le faire les Minnelli, Walsh, Hawks ou Ford d'antan ?
The Bad and the Beautiful est une merveille, et je ne vois pas quoi en dire de plus, tant la perfection se passe de commentaire. Il y a là-dedans un humour, une sensibilité, une attention à chaque détail, qui est la marque de seulement quelques génies par siècle. Minnelli décrit le monde du cinéma avec une émotion de chaque instant, avec affection, nostalgie, romantisme. Sa mise en scène est prodigieusement puissante, avec une caméra virevoltante qui connaît toujours les distances, avec 1000 idées par plan (la scène d'hystérie de Lana Turner dans sa voiture est un sommet), avec une ampleur de sujet, de scénario, une virtuosité inégalées. On sent le metteur en scène des grandes comédies musicales, en même temps qu'un critique acerbe des moeurs, en même temps qu'un cinéphile endurci, en même temps qu'un modeste artisan, en même temps qu'un génie des grands espaces, en même temps qu'un brillant dialoguiste, en même temps qu'un directeur d'acteurs obnubilé par les détails, en même temps qu'un tragédien sensible, en même temps qu'un amoureux... La variété de ton du film est proprement incroyable : on passe de l'intimité (un disque qui retranscrit la voix émouvante d'un vieil acteur) à l'épopée (les scènes de tournage à la grue, qui rappellent De Mille), de la romance (la sublime histoire d'amour avec Lana Turner, tragique, poignante) à la comédie (Douglas est drôle et léger à mort), du cynisme (le plus grand personnage de Minnelli : le scénariste distant, mais amoureux de sa godiche de femme) à l'émotion de petit garçon (la vision d'Hollywood et de la magie du 7ème art)... Si Scorsese avait bien regardé ce film, il aurait honte de son piètre Aviator, je vous le dis.
Je revois ce film tous les ans. Oui, je sais, ce n'est pas assez.