Terre (Zemlya) (1930) d'Aleksandr Dovzhenko

Avant d'être un film de propagande (Bon ok, "après" si vous voulez aussi), Terre est surtout un hymne à la nature, dans laquelle se fondent constamment la mort et la renaissance: de la scène d'ouverture où le vieillard mange une dernière pomme ("Mangez des pommes!", tu parles) avant de tomber sur un lit de pommes (d'où l'expression enfin éclaircie!) à la scène finale - une procession funéraire où le corps du petit fils assassiné effleure les branches des arbres -, on assiste à une communion entre les éléments et les hommes (Ah la belle époque des kolkhozes).

Sur une musique un peu pompière (dans la version restaurée de 71) de Vyacheslav Ovchinnikov mais terriblement efficace, il y a des scènes d'anthologie telle que cette arrivée du tracteur ("cheval de fer!") chez les paysans en collectivitité - un montage diabolique - ou encore ces plans hallucinants sur la veuve du héros, nue, qui s'empoigne les seins (ah l'âme russe!) avant de se jeter contre les murs ou sur le lit. De la vie, de la passion bon sang! Superbe séquence encore que celle du héros, tout à sa joie d'avoir amené la modernisation aux plus pauvres, (les récoltes deviennent d'une facilité déconcertante, les femmes te nouent des bottes de foin avec une énergie à faire pâlir) qui se met à danser sur les chemins, soulevant la poussière sur son passage... avant de se faire lâchement abattre et de s'écrouler comme une masse.

L'art de la contre-plongée chez nos amis russes, enfin, qui te montre des groupes de paysans et de paysannes, ou des vaches (jamais mieux filmées les vaches, c'est clair), comme des héros antiques, les pieds solidement enracinés dans la terre. Oui, c'est communiste et anti-catholique à donf, mais cela reste du grand cinéma - merci camarade Dovzhenko.