L'Enfant Sauvage de François Truffaut - 1969
J'aime beaucoup les films de Truffaut sur l'enfance (Les 400 coups, L'Argent de Poche...), et ça faisait bien longtemps que je n'avais pas vu celui-là, qui restait dans mon esprit un film mineur du gars. Oh funeste erreur et mea culpa sonore ! L'Enfant Sauvage est magnifique, presque une synthèse de la vision truffaldienne de l'enfance. La tendresse qui émane de ce film, l'attention constante et fascinée sur le petit garçon, la dureté des épisodes qui jalonnent l'éducation de Victor, l'intelligence de l'ensemble, tout ça réuni donne un film âpre en dehors, et terriblement doux à l'intérieur. Un Michoko, quoi.
Même si Truffaut est un mauvais acteur, il se donne courageusement un personnage assez antipathique, prêt à exercer l'injustice sur un enfant pour lui donner un sens moral, enfermant ce pov' bambin dans un placard, notant froidement le nombre de larmes qu'il déclenche. Face à lui, le gamin est hallucinant de vérité, une enfance dans tout ce qu'elle a de plus immédiat, de plus évident, de plus primal. L'Enfance avec un grand E. La subtilité de la mise en scène est dans cette historicité-là : le film prend la forme d'un muet des années 30, à la naissance du cinéma, avec ces fondus à l'iris (c'est comme ça que ça s'appelle ?), avec ce noir et blanc superbe, avec cette première partie privée de dialogues audibles, avec cette musique parfaite de Vivaldi... Tous ces éléments rappellent l'origine, origine du cinéma, origine de la vie, origine de la société, et sont incarnés par ce Victor perdu dans le monde des grands. Avec L'Enfant Sauvage, Truffaut semble bien avoir trouvé son grand sujet : la perte de l'innocence, de l'innocence existentielle et artistique. Grand bonheur.
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