Violent Cop (Sono Otoko Kyobo ni Tsuki) de Takeshi Kitano - 1989
Ce qui est toujours admirable chez Kitano, c'est que ses sources d'inspiration sont nobles et très repérables, et qu'il arrive toujours à faire son chemin au milieu de ces références très marquées. Ici, déjà pour son premier film, la marque de Melville est on ne peut plus présente, et même plus largement, celle du Delon des années 80 (Deray est là aussi, eh oui Deray a eu ses élèves). Il y a même sur la fin des révérences à Sergio Leone, qui lui-même s'inspira de Melville, etc... Bref, Violent Cop est sobre comme du Melville, impressionnant comme du Melville, puissant comme du Melville. Peut-être même un peu trop : en 1989, Takeshi n'a pas encore vraiment trouvé ses marques perso, et on est très loin d'atteindre le style si incroyable de ses grands films à venir (Sonatine, Hana-Bi ou Brother).
En particulier, le jeu de Kitano est encore assez vague, hésitant entre l'absence de jeu qui fait sa marque aujourd'hui et la volonté de faire l'acteur, qu'il a abandonnée heureusement assez vite. Là, il manque un peu de puissance pendant une grande partie du film, retrouvant uniquement cette sécheresse d'expression dans le dernier quart d'heure (une boucherie). Sa mise en scène, également, est encore souvent indigente : il veut qu'il y ait du style là-dedans (et il y en a souvent), mais ne sait pas encore très bien lequel (on fait de l'humour ? du cinéma contemporain ? un polar des années 80 ? on fait plutôt du Eastwood ou du Scorsese ?). Le scénar, enfin, ne va pas beaucoup plus loin que Pour la peau d'un Flic ou tous ces trucs avec le mot "flic".
Mais ceci dit, le film est très agréable, notamment grâce à un sens du décor impeccable. La scène finale, dans un entrepot désaffecté, est magnifique, on a l'impression d'assister à un Matrix avant l'heure grâce au décor épuré, blanc et gris, uniquement rayé par les pylônes et les ombres des portes. Les lieux sont toujours exploités avec finesse et intelligence, malgré une photo assez cradasse et ratée. Et puis, aussi, Kitano sait surprendre, constamment, faisant disparaître ou apparaître des personnages, des rouages de scénar, des pics de violence là où s'y attend le moins. Le film est bluffant dans son rythme, totalement original. Dans ce sens, le style de Takeshi est déjà bien là. Et puis il y a toujours cette petite dose de poésie, amenée comme d'hab par les femmes (ici, une soeur un peu idiote qui sera la clé de voute de l'histoire). Un très très bon moment donc, si on connaît déjà le génie à venir de Kitano.