Bataille dans le ciel (Batalla en el cielo) (2005) de Carlos Reygadas
On a beaucoup trop parlé de cette pipe (oui ceci est une pipe) introductive et finale, in vivo, et l'intérêt de ce film est réellement ailleurs. (j'ai certes beau jeu en montrant un cul et des seins mais je vous jure, c'est po que ça)
Je n'ai pas vu Japon et j'avoue avoir été avant tout véritablement bluffé dans ce film par le sens du cadre et des mouvements de caméra - voire du montage et des légers jeux sur les flous lors des gros plans. Il y a des images, si même parfois elles frôlent le maniérisme, qui sont de véritables bijoux: la scène des multiples panoramiques s'attachant aux gens dans les couloirs du métro suivie d'un plan séquence sokorovien collant aux pas du héros (comment la caméra passe au-dessus de la barrière sans à coup?! Enfoiré... ) est magnifique; le panoramique à 360 degrés lors de la scène d'amour entre Marcos et la jeune Ana est renoirienne (Le crime de Monsieur Lange) sans parler des cadrages suivants où on les retrouve tous les deux nus, allongés, les yeux au ciel, après la bataille - sublimissime... On pourrait aussi évoquer les corps à corps entre le poids lourd Marcos et sa femme, poids hors catégorie... Il y a un esthétisme proche de Botéro (j'ai 3 références picturales, faut que je les place) dans cette scène de baise d'obése (ça aussi, pas pu m'empêcher)... A chaque fois que les deux époux se font face, on peut dire qu'ils remplissent le cadre. Franchement, Reygadas trouve systématiquement la bonne distance pour filmer leur scène de retrouvailles, d'amour ou de dispute... L'ensemble est baigné par une musique qui semble un tantinet pompière au début -La marche de Cordoba - mais qui au final donne une dignité et une grandeur aux scènes qu'elle souligne. Enfin, on pourrait évoquer à quel point le film est ancré dans l'histoire mexicaine, du pélerinage catholique à la présence des militaires qui entourent les nombreuses séquences de levers du drapeau, en passant même par un match de foot (ça faisait longtemps) et un masque de taureau dans le métro.
Je vous vois venir, j'ai pas parlé du scénario... Il tient en deux lignes: un kidnapping raté dont on voit aucun image (On n'est pas chez un Coréen) et l'histoire de la rédemption d'un homme (plus tendance Ferrara que Pennac) tiraillé entre l'amour d'une prostituée compatissante mais influente et celui de sa femme (lourd, on l'a dit)... La scène finale où le héros se retrouve sur les genoux est plus proche de Thaipusam que de l'imagerie catholique mais elle en a d'autant plus d'impact.
Alors oui, je pourrais mettre un petit bémol quant au rythme du film, vraiment lent parfois, le scènario étant également un peu erratique et on se demande parfois où Reygadas veut vraiment en venir. Mais dans l'ensemble, suffisament de scènes marquantes pour que le film laisse une trace dans les esprits. Nom d'une pipe.