Maudite Aphrodite (Mighty Aphrodite) de Woody Allen - 1995

Revoir Mighty Aphrodite dix ans après sa sortie permet de se rendre compte d'une chose : ce film semble bien être une charnière dans l'oeuvre de Woody, la borne qui l'a fait passer des films ambitieux et sombres des années 85-95 (Husbands and wives, Another Woman, September, Shadows and Fog...) à une veine plus apaisée et légère (Bullets over Broadway, le génialissime Everyone says I love you ou les comédies récentes). Celui-là est un pur bonheur simple, un film lumineux, positif, agréable comme une petite bulle de savon. Ca ne va pas péter plus loin que son scénario, tracé en ligne claire, simplissime dans son traitement. Woody délaisse un peu ses mises en scène très mobiles, renonce à filmer des lieux vides, coupe ses plans beaucoup plus tôt qu'à l'ordinaire. Sa réalisation se fait beaucoup plus sobre, voire modeste. Et ça n'est pas un mal, même si la mise en scène d'un Alice, par exemple, laissait sur le cul de par son intelligence et sa complexité.

Le film est très drôle, grâce surtout à Mira Sorvino, énorme, et à Woody lui-même, touchant en homme fidèle qui prend une star du X sous son aile. Le gars atteint sur la fin du film une douceur mélancolique magnifique, grâce à une très jolie scène de retrouvailles dans un magasin de jouets. Il y a aussi une belle trouvaille dans le fait de faire intervenir un choeur grec dans le scénar, pour commenter ou modifier l'action. L'historiette s'en trouve grandie, gonflée, même si tout ça n'est pas sérieux du tout, et ne se prend d'ailleurs pas pour tel. Jusqu'à la scène finale, comédie musicale jazzy et bricolo, qui fait qu'on sort du film avec une banane énorme. Personnellement, c'est tout ce que je demande à Allen maintenant : me donner goût à la vie, me faire voir en riant la vanité des choses. Merci, mon gars Woody, t'es le meilleur.

Tout sur Woody sans oser le demander : clique