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Shangols
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5 juin 2006

De Battre mon coeur s'est arrêté de Jacques Audiard - 2005

042Bon, je suis désolé pour les filles qui lisent ce blog, mais je vous préviens je vais dire du mal de ce film. Je sais, Romain Duris est beau, mais que voulez-vous j'ai tendance à préferer le sexe opposé, aussi serai-je objectif.

Je ne dis pas que j'ai detesté, hein. Non, il y a de très bonnes qualités là-dedans, notamment dans la première moitié. La mise en scène est relativement nerveuse, bien rythmée. Les acteurs sont tous épatants, et Duris le premier, tendu, chargé d'énergie, rageur, et émouvant (beaucoup aimé Arestrup aussi, qui vieillit magnifiquement). On sent que le sujet, si on ne se trompe pas de sujet, aurait pu être très fort : on croit en effet qu'on est en train de nous parler d'un petit salopiau qui a pourtant beaucoup d'amour à donner, et qui se heurte au refus obstiné de recevoir de ses proches (son père, son prof de piano, ses femmes). Il y a quelques très jolies scènes bien senties, où le désarroi du personnage apparaît en plein. Comme toujours, Audiard sait diriger les acteurs, ce qui est assez rare pour le remarquer. Bon, le côté positif, c'est fait...

Mais... mais nom d'une tomate qu'est-ce que ça sent le bon vieux cinéma de papa ! Qu'est-ce que ça sent021 le film pour lecteurs de Télérama, bien-pensants, lisse dans ses opinions, à deux doigts d'être cul-béni. (NB : attention, ne lisez pas la suite, je raconte la fin du film.) Dans la deuxième moitié, Audiard casse tout en faisant apparaître son véritable sujet. Tom (Duris) va subir une sorte de révélation mystique, ou sensible disons, et racheter ses péchés nombreux et infâmes. Il va découvrir que les oeuvres de Bach au piano sont plus jolies que la musique electro qu'il écoute au casque (je rêve), il va découvrir que la petite chinoise qui lui apprend le piano est plus mieux que la femme de son pote qu'il trompe allègrement (scénario de Christine Boutin ?), il va découvrir qu'en fait c'est pas bien de déloger des immigrés squatteurs à coups de batte de base-ball (scène qui m'a laissé songeur dans son traitement) et qu'il vaut mieux être tranquille et masser la nuque de sa femme. Il va enfin se racheter une conduite au contact de la beauté de la musique, se découvrir une sensibilité, et rentrer dans la masse, en refusant même de butter le type qui a tué son père. Chez Ferrara un tel sujet a donné Bad Lieutenant, et c'était autrement mieux tenu. Ici, tout est tracé à très gros traits (la vie immorale -electro, batte, amours volages- et la jolie-vie-qu'il-faut-avoir-pour-être-un-homme-bien -Bach, douceur, fidélité.) Je n'aurai qu'un seul mot : berk.

Du cinéma de vieux 091pépère, incapable de prendre le moindre risque personnel, de la moindre opinion qui ne soit pas dans les éditos du Nouvel Obs. Du cinéma qui fait semblant de dire, mais qui prend bien soin de ne pas tacher la nappe. Du cinéma uniquement centré sur ses acteurs (tous bons, encore une fois), sur son histoire, sur une morale judéo-chrétienne assez gavante (certes indiscutable mais de ce fait pourquoi en faire un film ?). Du cinéma qui oublie au passage que, quoiqu'en dise un autre tâcheron (Patrice Leconte), un film ne doit jamais être un "objet gentil".

Et encore je passe sur le titre, je pourrais m'énerver sur le ridicule de ces noms ronflants. Ce film a bien mérité son César.

Commentaires
N
Je voulais vous remercier d'avoir répondu, c'est très aimable à vous. Je reflechirai à votre vision du film, je rédige actuellement un mémoire dédié à Jacques Audiard donc cela m'intéresse. <br /> Merci pour votre blog ça fait plaisir, continuez. Et merci d'avoir réagi. <br /> A la prochaine :)<br /> <br /> Nicolas D.
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G
Loin de moi l'envie de "boucler le clapet" à qui que ce soit, bien sûr, ni même de trouver des arguments "poignants" pour parler de ce film. J'ai juste voulu dire que, pour moi, on est en plein consensus mou. Je n'ai pas revu De Battre, mais dans mon souvenir, Audiard opposait très maladroitement deux conceptions de la vie. L'une, condamnable : infidélité, pulsions de violence, rock'n roll, énergie désordonnée, et donc, en crypto-message, jeunesse dans son ensemble ; l'autre, approuvée par la société et donc désirable : sérénité, maturité, musique classique, massage de nuque et assagissement (comprenez petite bourgeoisie). On fait quand même mieux comme discours artistique. <br /> Oui, pour moi, cette conversion est mystique, presque religieuse. Pas directement, sûrement, quoiqu'il me semble qu'on peut revoir le film sous cet angle et y trouver plein de choses troublantes. Mais religieuse dans le sens "judéo-chrétien" de la chose, occidental disons. Le film est victime d'une éducation consensuelle, un peu "bobo"; C'est le matin, j'ai du mal à exprimer ce que je veux dire. Mais si le passage de l'enfance a l'âge adulte équivaut à cet assagissement, à cet abrutissement, à cet abandon de tout sentiment de révolte, alors je trouve que le film est bien triste. La sérénité atteinte par Duris en fin de film me semble effrayante.<br /> Je n'ai critiqué que cette partie-là du film, car elle gâche l'ensemble. Remarquez que j'ai apprécié la partie plus technique de la mise en scène d'Audiard. C'est juste son discours que je trouve assez puant.<br /> Je n'ai pas vu le film originel, effectivement, et je ne savais pas que c'était un remake.<br /> Merci pour votre passage et pour vos opinions. Il faudra que je revois ça. En attendant, je reste d'accord avec moi !<br /> Amitiés.
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N
Je le suis quand à votre douteuse critique. Vous n'avez apparament rien soulevé de véritablement "sérieux" dans votre commentaire, si ce n'est remarque du changement de point de vue en cours de film. A part dire "ah non mais euh c'est vraiment un cinéma à papa parce que bon le héros qui d'un coup se rend compte que... blablabla ah non mais c'est vraiment trop hein."<br /> <br /> Je ne décèle pas de véritable argument poignant et susceptible de boucler le clapet à ceux que ce filme touche. <br /> <br /> La filmographie de Jacques Audiard est une histoire du cinéma. Il est un cinéphile qui convoque les clichés, les genres, le vraisemblable, les préjugés inscrits dans notre esprit pour les retravailler, les tordre, les détourner. <br /> <br /> La "rédemption" de Romain Duris au cours du film n'en est pas une. Simplement, c'est un film à point de vue unique, et l'intérêt cinématographique en est justement le changement brutal en cours de film : il veut changer sa vie. Le terme de "rédemption" fait entièrement écho à la religion. Il n'y a rien de religieux dans De battre... Rien du tout. De quoi parlez-vous ? C'est un film sur le passage de l'enfance à l'âge adulte, ne me dites pas que ce n'est pas flagrant tout de même ?<br /> <br /> Vous ne mentionnez pas un point essentiel concernant ce film : c'est un remake, celui de Fingers de James Toback. Je suppose que vous ne l'avez pas vu. La beauté du geste créatif d'Audiard en est encore plus grande : il a surpassé l'oeuvre originale, lui a redonné vie, en a retaillé les facettes un petit peu plus précisemment : le rapport qu'entretient Tom avec les femmes, avec son père, la notion de communication, la filiation inversée. Il a fait ce qu'a fait De Palma avec Obsession ou Scarface. Il s'est entièrement approprié l'oeuvre originale. Complètement. Et c'est là tout ce que font de véritables cinéastes lorsqu'ils traitent un remake.<br /> <br /> Dernier point : la "jolie-vie-qu'il-faut-avoir-pour-être-un-homme-bien" (tentez le Guiness Book avec un mot aussi long on sait jamais) est l'accomplissement de sa vie, son atteinte de l'âge adulte. Seulement, ce qu'il est intéressant de constater c'est qu'il suivait apparement les traces de son père au début du film (marchand de biens véreux) et qu'il n'a pas prit sa place. C'est avec les moyens que lui donna son père (toute sa violence, sa nervosité, son boulot d'escroc) qu'il atteint une place d'impresario, qu'il survit dans la société et qu'il devient finalement Mr Fox, l'impresario de sa mère.<br /> <br /> J'ai tenté de soulever certaines erreurs concernant votre vision du film et de les expliquer, j'espère du moins vous avoir convaincu sur la qualité de cette oeuvre.<br /> <br /> Nicolas D.<br /> <br /> (Voyez le film et répondez si vous voulez.)
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G
Bon, alors ok, je retire le mot "tâcheron" si vous retirez le mot chef-d'oeuvre pour parler de ce film certes agréable qu'est "Regarde les Hommes tomber" (j'aime beaucoup votre faute de frappe sur le titre, il aurait dû appeler son film comme ça). Non pour moi, pas de génie, ni même de talent particulier sur les films que vous citez, même si j'ai pris du plaisir aux deux premiers. "Sur mes lèvres" m'a ennuyé, mais "Regarde les hommes vautrés nonchalament" m'avait plus pour Matthieu Kassovitz, et "Un héros très discret" pour la même raison. Je l'ai dit dans mon texte : Audiard est un très bon directeur d'acteurs, et, allez, admettons, un dialoguiste finaud. Lui manquent juste un caractère, une urgence, un ton à lui, qui le fera rentrer dans la catégorie des cinéastes.<br /> Merci, bahjamin, d'être passé chez nous et d'avoir brandi votre avis. Shang et moi apprécions toujours les gens qui ont des opinions et qui les expriment sans nous insulter. A vous revoir.
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B
Les goûts, les couleurs, tt ça, bien sûr, ne se discute pas...Cependant, concernant cette critique de Jacques Audiard (cinéaste qui serait frileux, vieux-jeu, films qui sentent le moisi, voire réactionnaires, etc.) j'émet un doute. Non pas à propos de ce film en particulier, certes consensuel, et sans doute pas si intéressant que cela (à part formellement: travail de la couleur, photo, cadrage, jeu des acteurs, etc. etc. Bon personnellement il m'a bcp plu ce film, même si vos propos me donnent envie d'y rejeter un oeil). Mais il vous faut voir...voir revoir...ses autres films, que sont "Sur Mes Lèvres", "Un Héros Très Discret", et surtout "Regarde Les Hommes Tombés", chefs-d'oeuvres d'originalité et de noirceur plus ou moins discrète, avec toujours, dès le 1er, une maitrise formelle qui me fait dire que ce cinéaste est bon...Alors "gentil", pas toujours, et "tâcheron", non!!
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