De Battre mon coeur s'est arrêté de Jacques Audiard - 2005
Bon, je suis désolé pour les filles qui lisent ce blog, mais je vous préviens je vais dire du mal de ce film. Je sais, Romain Duris est beau, mais que voulez-vous j'ai tendance à préferer le sexe opposé, aussi serai-je objectif.
Je ne dis pas que j'ai detesté, hein. Non, il y a de très bonnes qualités là-dedans, notamment dans la première moitié. La mise en scène est relativement nerveuse, bien rythmée. Les acteurs sont tous épatants, et Duris le premier, tendu, chargé d'énergie, rageur, et émouvant (beaucoup aimé Arestrup aussi, qui vieillit magnifiquement). On sent que le sujet, si on ne se trompe pas de sujet, aurait pu être très fort : on croit en effet qu'on est en train de nous parler d'un petit salopiau qui a pourtant beaucoup d'amour à donner, et qui se heurte au refus obstiné de recevoir de ses proches (son père, son prof de piano, ses femmes). Il y a quelques très jolies scènes bien senties, où le désarroi du personnage apparaît en plein. Comme toujours, Audiard sait diriger les acteurs, ce qui est assez rare pour le remarquer. Bon, le côté positif, c'est fait...
Mais... mais nom d'une tomate qu'est-ce que ça sent le bon vieux cinéma de papa ! Qu'est-ce que ça sent le film pour lecteurs de Télérama, bien-pensants, lisse dans ses opinions, à deux doigts d'être cul-béni. (NB : attention, ne lisez pas la suite, je raconte la fin du film.) Dans la deuxième moitié, Audiard casse tout en faisant apparaître son véritable sujet. Tom (Duris) va subir une sorte de révélation mystique, ou sensible disons, et racheter ses péchés nombreux et infâmes. Il va découvrir que les oeuvres de Bach au piano sont plus jolies que la musique electro qu'il écoute au casque (je rêve), il va découvrir que la petite chinoise qui lui apprend le piano est plus mieux que la femme de son pote qu'il trompe allègrement (scénario de Christine Boutin ?), il va découvrir qu'en fait c'est pas bien de déloger des immigrés squatteurs à coups de batte de base-ball (scène qui m'a laissé songeur dans son traitement) et qu'il vaut mieux être tranquille et masser la nuque de sa femme. Il va enfin se racheter une conduite au contact de la beauté de la musique, se découvrir une sensibilité, et rentrer dans la masse, en refusant même de butter le type qui a tué son père. Chez Ferrara un tel sujet a donné Bad Lieutenant, et c'était autrement mieux tenu. Ici, tout est tracé à très gros traits (la vie immorale -electro, batte, amours volages- et la jolie-vie-qu'il-faut-avoir-pour-être-un-homme-bien -Bach, douceur, fidélité.) Je n'aurai qu'un seul mot : berk.
Du cinéma de vieux pépère, incapable de prendre le moindre risque personnel, de la moindre opinion qui ne soit pas dans les éditos du Nouvel Obs. Du cinéma qui fait semblant de dire, mais qui prend bien soin de ne pas tacher la nappe. Du cinéma uniquement centré sur ses acteurs (tous bons, encore une fois), sur son histoire, sur une morale judéo-chrétienne assez gavante (certes indiscutable mais de ce fait pourquoi en faire un film ?). Du cinéma qui oublie au passage que, quoiqu'en dise un autre tâcheron (Patrice Leconte), un film ne doit jamais être un "objet gentil".
Et encore je passe sur le titre, je pourrais m'énerver sur le ridicule de ces noms ronflants. Ce film a bien mérité son César.