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27 mars 2006

LIVRE : La sorcière de Marie Ndiaye (1996)

sorciere_double_1_L'écriture de Marie Ndiaye m'envoute, c'est comme ça, elle a un style unique en son genre qui me fait fondre. Peu d'écrivains français contemporains me font le même effet, et même si je les connaît pas tous, j'en crois peu capable d'arriver à son genou.

Certes, c'est une histoire simple. Une femme initie ses deux filles à quelques tours de sorcellerie et avant que celles-ci s'envolent (dans les 2 sens, du foyer et sous forme d'oiseau) se fait quitter par son mari. On retrouve chez Marie Ndiaye ce goût des descriptions de ces petites villes de province qui finissent par toutes se ressemblaient (Poitiers, Chateauroux, Bourges...) et surtout ces descriptions à la serpe des relations familiales qui feraient passer celles de Festen pour le monde de Casimir. Déjà dans l'excellent En Famille, Marie s'en donnait à coeur joie; ici, pour le plaisir et au hasard des pages, les raisons du départ de son mari, Pierrot, d'après sa propre mère:

"Durant ces trois semaines, il a vécu reclus dans sa chambre, il n'en sortait que pour me surveiller, m'effrayer, sa chambre de petit garçon devenue une abjection, un cloaque, oui, il n'en sortait que pour me tenir des propos sans queue ni tête, comme quoi tout l'exaspère et le dégoûte, même moi, sa maman, et toi, et les filles, et tout le monde. L'existence tranquille que vous avez menée tous les quatre, il en a eu le dégoût, me dit-il, une répugnance soudaine, irrépressible. Son travail, ses collègues, la bonne ambiance, il a eu le dégoût de tout cela. Et votre maison, le lotissement, la vie de famille, tout l'a dégoûté brutalement, c'est ce qu'il m'a dit, il était plein de hargne et d'amertume. Il ne tolère pas l'idée que quiconque sache maintenant où il est, veuille le raisonner et le persuader de se comporter autrement. Il ne veut plus exister pour personne. Il veut, dit-il, qu'on le tienne pour mort. Il refuse que je prononce son nom, déteste que je lui parle, il prétend que je ne dis que des sottises, que je radote, que je ne fais que répéter ce qu'on dit partout. Je ne devais évoquer devant lui rien de ce qui concernait sa vie passée, ne pas parler de toi ni des enfants."

Cette acrimonie pourrait finir par donner des envies de suicides, heureusement, il y a toujours une peite voix qui semble nous souffler que ce n'est pas grave, toujours des passages à l'ironie mordante qui nous font lire le livre un léger rictus au coin des lèvres.

"- On a assassiné Rabin ! s'écria Robert.

- Rabine, ce n'est pas possible, quel Rabine?

La maman de Pierrot avait fait irruption dans la cuisine, en robe de chambre et pantoufles.

- Pas notre monsieur Rabine de la rue Vaillant-Couturier, j'espère?

- Ecoutez, votre monsieur Rabine de Poitiers, personne ne le connaît et personne ne s'en soucie, dit Robert, impatienté.

-Ouf, j'ai eu peur, fit la maman dans un petit rire. C'est un monsieur très comme il faut, très serviable, et pas si vieux que ça.

-On a assassiné Rabin, répéta Robert. (...) Le monde devient fou, il paraît que ce n'est pas un Arabe qui a tué Rabin, on n'y comprend plus rien.

- Il n'y a pas beaucoup d'Arabes à Poitiers, dit la maman."

Marie, dans une autre vie, il faudra que je t'épouse et que tu m'apprennes à écrire.

 

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