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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
23 février 2006

Passion de Jean-Luc Godard - 1982

Mon éminent homologue chinois m'avait prédit le film le plus chiant de Jean-Luc Godard, alors bien sûr je me suis précipité dessus. Eh bien je crois que nous ne serons jamais d'accord sur Godard.

 

D'abord, 2, 3 mises au point, puisque les producteurs trouvent de l'argent pour financer Besson et plus Godard, puisque les gens vont voir Les Choristes en masse et personne ne va voir Forever Mozart. Non, Godard n'est pas un cinéaste intello, mais un artiste charnel, dont les films sont faits de sensibilité ; non, Godard n'est pas un ermite spartiate, mais un homme plein d'humour, de légèreté, d'amour de la vie ; non, les meilleurs films de Godard ne sont pas ses premiers (j'aime beaucoup A bout de souffle ou Pierrot le Fou, hein, mais plus comme des films de jeunesse attendrissants), mais Histoire(s) du cinéma, Prénom Carmen, Eloge de l'Amour ou... Passion.

 

Donc : Passion... Quelle est la spécificité du cinéma sur les autres Arts (littérature, musique, peinture)? Pas la supériorité ni l'infériorité, la spécificité. Au milieu d'images de peinture, au milieu des musiques de Mozart ou de Beethoven, la trivialité de la présence d'une équipe de tournage va virer au cauchemar pour le réalisateur. Quoi dire? Quoi montrer? Pourquoi faire du cinéma? On pourrait citer tous les plans, toutes les répliques, toujours drôles (c'est de l'humour, il faut finir par admettre ça chez Godard), toujours sensibles. Allez, une, au pif : "-Parfois j'ai du mal à te comprendre / -Parfois, il ne faut pas comprendre. Juste prendre / Silence / -Prends-moi. Dans tes bras" (je cite de mémoire). Le monde est vulgaire, alors que l'art ne l'est pas (monter une scène de sodomie avec un tableau de Rembrandt, qui aujourd'hui a ce courage ?). Et l'art lui-même est vulgaire par rapport aux difficultés du travail, de la vie, etc. Le débat s'élargit à la politique, mais de façon beaucoup plus subtile que dans les années 70 (période, je veux bien le reconnaître, un peu chiante dans la carrière de JLG).

 

Il y a Piccoli qui tousse tout le long du film alors qu'il ne fume que des fleurs (je pense définitivement que Piccoli est l'acteur godardien par excellence, léger, enfantin, sans limite) ; il y a une mystérieuse phrase que personne ne peut prononcer (même Huppert, qui joue une bègue!) ; il y a cette récurrence très drôle : "Raconte-nous une histoire !" (eh non, le cinéma, ce n'est pas raconter des histoires) ; il y a quelques gros plans sublimissimes sur des visages d'actrice (notamment un sur Huppert, qui m'a fait mourir de rire par son insolence), et des lumières incroyables ; il y a des mots qui s'entrechoquent, des images qui se mêlent, des émotions qui se brouillent ; il y a des bruits de klaxon ou de pots d'échappement sur le Requiem de Mozart ; il y a la vie qui bat là-dedans, tout simplement. Passion est immense, ami chinois, repasse-le et ne réfléchis pas !

 

Comme je le dis souvent dans mes conférences, et quitte à être snob : avant, Godard faisait des films; maintenant, il fait du cinéma.

 

God-Art 1970-2023 le culte : clique
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Commentaires
M
mon godard préféré...
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J
Tu as regardé Passion avec toujours en tête : "Attention, c'est du Godard, c'est pas rien, ça va faire réfléchir à mort, cramponne-toi..." Essaye d'oublier que c'est lui qui l'a fait : Godard, en tout cas depuis qu'il est devenu modeste et lumineux (je persiste et signe) est tout sauf un intello. Regarde TOUTES les scènes une par une (séparément, si tu veux, avec des pauses Suntory entre), et tu ne peux qu'admirer. <br /> On s'est toujours pris le chou là-dessus, mais je le réaffirme : j'en ai strictement rien à foutre du scénario! Je sais, c'est brutal.<br /> Quand à jeter des bouts de trucs au hasard pour en faire une oeuvre d'art, ça a donné Jackson Pollock. je sais, c'est un coup bas, mais c'est vrai.
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F
Passion de Godard est au cinéma ce que la Guang Ming est à la bière: sans saveur et en plus ça donne mal à la tête... c'est du cinéma oui, mais Max Pecas aussi c'est du cinéma -à la con- et c'est de la vie -à la con (certes)[je voulais prendre Besson mais c'était petit). Truffaut serait encore de ce monde, il se serait fendu d'une critique dans les cahiers pour dire à quel point son ami Godard était devenu snob et obséquieux... Ce film me fait penser au sculpteur de son sketch de Paris vu par... qui jette ses bouts de fer par terre pour en faire une sculpture... Godard nous jette son film à la gueule en proposant une culture du hasard -grande et belle musique, grand et beau peintre, grand et beau pot d'échappement- et comme c'est un génie (eh faut se réveillez, il est Suisse quand même... ils ont inventé quoi à part la neige?), gros respect... Si Passion c'est ça le cinéma, je préfère alors les bons documentaires et reportages sur le genre humain que sont In the Mood for Love ou La femme d'à côté... en plus, c'est du bol, il y a même un scénario dans l'ordre. Passions...
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